jeudi 28 août 2014

Baïkal 2 - L'île d'Olkhone

Mardi
Ça doit être beau le levé de soleil sur le lac mais à 7h du matin, j'arrive après la bataille !
Petite marche à la fraiche tout de même avec une petite laine car il fait froid le matin et le soir. Il a été relevé zéro degré la semaine dernière alors qu'il fait plus de 25 degrés la journée. Un micro climat autour du lac permet d'avoir plus de 10 degrés l'hiver et moins de 10 l'été, ce qui est une bonne chose car le climat continental russe soumet le pays à des excès de chaud et de froid.
Après l'effort, petit dej de tsar : cacha de millet, crêpes, gateaux secs, pain, beignets, œufs sur le plat, thé noir, thé aux herbes, café, confitures maison, beurre, lait concentré sucré.
Nouveau chauffeur, nouveau véhicule. Un jeune cosaque avec une jeune barbe, torse nu, pantalon de camouflage, toque cosaque en astracan. Son petit bus 4x4 russe est gris, a un châssis très haut, est équipé d'un treuil à l'avant et de 9 places à l'intérieur. Paérali !
Journée de pistes. On rejoint le village de Sergueï, le chauffeur de la veille. Une chapelle surplombe les maisons. L'office se termine ; une mamie, assise derrière un adolescent, redescend chez elle sur un quad, à vive allure, dans un nuage de poussière.
Le village est rudimentaire. Deux rues de terre, aucun commerce, quelques parcelles vides entre les habitations où l'on voit quelques chèvres, vaches ou bottes de foin. Il n'y a que des maisons en bois. Les prés sont juste derrière, la forêt est un peu plus loin. Devant, coté rue, les maisons sont souvent en retrait et des palissades de bois garantissent l'intimité tout en délimitant la propriété.
Les clôtures sont faites de planches non ajourées placées verticalement les unes à coté des autres. Ainsi les 2 ou 3 fenêtres de la façade sont à l'abri du regard des curieux. Elles sont parfois peintes, de la même couleur que la palissade, en blanc, en bleu clair, en rouge ou en vert. Parfois c'est le toit qui est coloré mais jamais les murs de la maison. Et un grand nombre d'habitations sont en bois brut, sans décoration, avec un toit de tôle gris. Ici quelques poules dans la rue et là un jeune garçon en vélo. Quelques maisons semblent abandonnées. Nous remontons en voiture et réempruntons la piste, direction l'île d'Olkhone (prononcer Olrone).
Le tour du lac est assez montagneux. Nous nous arrêtons faire une petite ascension. La côte est très découpée, les massifs au nord sont arrondis et pelés, désertiques au premier regard ; c'est la steppe. L'eau est claire et sa teinte varie du bleu au gris en passant par le vert. Des nuages lâchent quelques goutes, la lumière change. Au loin, l'on devine l'autre rivage du lac perdu dans une sorte de coton bleuté.
Nous grimpons dans les cailloux ; la pente est raide. Une surprise nous attend au sommet : de l'autre coté de la montagne gravie, s'offre à nous une vue panoramique sur un delta verdoyant qui alimente le lac Baïkal. Avant de se répandre et de se couvrir de mousses faute de déclivité, se frayant un passage entre les massifs montagneux arides, la rivière Anga serpente en dessinant de grandes courbes dans un paysage verdoyant laissant au spectateur l'illusion de survoler le fleuve Amazone. Et sur notre droite, le lac s'étend à l'infini.
Nous redescendons dans les cailloux et nous nous arrêtons à mi-pente devant un amoncellement de grandes pierres formant un muret sur des dizaines de mètres de longueur. Il s'agit des ruines d'un rempart des Kourikanes datant du 6 ème siècle. C'est aussi un lieu de culte des Chamans.
Nous reprenons la route jusqu'à l'embarcadère où nous prenons le bac pour l'île d'Olkhone sans notre véhicule cette fois. Adieu Cosaque !



C'est drôle, cosaque s'écrit casaque en russe et le cyrillique est compréhensible pour les non initiés : kazak (en majuscule le z se serait transformé en 3). Autrefois manteau d'homme, la casaque habillait les cosaques qui étaient des cavaliers et des combattants. Aujourd'hui elle habille les jockeys. Mais les kasakhs sont les habitants du kasakstan, voisin de la Russie, de l'Ouzbékistan et de la Mongolie voisine du Baïkal. Troublante coïncidence. Mais les Russes ne les confondent pas, ces derniers sont appelés kasarh (казах).
Quand on a lu les chevauchées de ces guerriers dans les nouvelles de Gogol, on est intéressé de découvrir ce qu'ils sont devenus en écoutant le Grand Reportage de Muriel Pomponne sur les cosaques en différé sur le site de RFI.
Sur l'autre rive, c'est Igor qui nous accueille et nous conduit jusqu'à Khoujir (prononcer Rougir) pour les 3 jours que nous avons à passer chez lui. Il est mince et musclé, footballka (t-shirt) sans manche, rasé de près, a aussi le même type de minibus tous-terrains incassable et confortable. On découvrira le lendemain que ces machinas ont la vie dure et peuvent grimper aux arbres.
Si vous n'avez pas remarqué, je vous le dis ; premièrement, vous n'êtes pas observateur et deuxièmement j'ai ajouté un lien sur le blog vers une nouvelle série de photos qui s'appelle, je vous le donne en mille, "Le lac Baïkal".

A suivre.

jeudi 21 août 2014

Baïkal 1 - Arrivée à Irkoutsk

Après plusieurs semaines en France où nous avons été choyés par la famille et les amis -quel régal de voir tous ces Malakoffiots dans leurs résidences estivales- et après avoir fait le plein de bonne cuisine française, nous reprenons l'avion toujours en direction du soleil levant, plein Est vers le cœur de la Sibérie.

Dimanche, dans l'avion, après une nuit passée à remonter le temps...

Une grosse rivière serpente en faisant de grands lacets entre des groupes de maisons et des forêts. Ça semble s'étaler à l'infini. Il y a beaucoup de champs cultivés. Ça me fait penser à l'Asie, à l'image que j'ai de l'Asie. La masse nuageuse se dissipe par endroits, on finit par distinguer des massifs montagneux. L'avion se pose avec une douceur étonnante. L'emblème de la ville où nous débarquons est le babr, un tigre avec une queue de castor (bobr ou бобр) et une zibeline dans la gueule. Nous sommes à Irkoutsk (Иркутск). C'est bien l'Asie mais ce n'est pas la Sibérie des grands froids et des maisons en rondins dans la forêt. Au mois d'août, il fait 30 degrés.

Le ciel se dégage, le soleil nous fait du bien, les 5 heures de décalage horaire depuis Moscou et la nuit dans l'avion réduite à peau de chagrin nous rendent fébriles. La rivière Angara traverse la ville à la vitesse d'un torrent, c'est exceptionnel pour un cours d'eau de cette taille. C'est le seul alimenté par le lac Baïkal, tous les autres au contraire le nourrissent. 

Quelques églises orthodoxes, de nombreuses maisons en bois pas très bien entretenues mais qui ont le mérite d'avoir résisté aux incendies catastrophiques à l'époque où l'ensemble des constructions étaient faites de ce produit écologique.

Cuisine traditionnelle à midi avec de l'omoul. C'est un poisson endémique du lac Baïkal à la chair savoureuse, proche de la truite de forme et de taille avec le dessus de la tête légèrement aplati ; et comble de bon goût, il nous a été servi entier, sans arrête et en n'étant ouvert que sur le ventre !

Les rues sont larges, certaines places sont immenses, c'est taillé pour l'automobile, pas de problème d'espace à première vue.
Ce soir, dîner chez l'habitant avec des boulettes de viande maison, un délice.



Lundi 

Route vers le lac Baïkal, direction nord-est. Arrêt dans un petit et joli musée bouriate qui témoigne du mode de vie de ce peuple local ; nous sommes tout de même à coté de la Bouriatie (république de la Fédération de Russie s'étendant au sud et à l'Est du lac Baïkal). Des os du néolithique, des animaux de la région empaillés dont un ours, un loup, un cerf, un lynx, un glouton (appelé aussi carcajou), toutes sortes d'oiseaux ainsi qu'un chaman (non empaillé celui-là, il s'agit d'un sage-guérisseur qui communique avec les esprits) et l'intérieur d'une yourte, l'habitation traditionnelle.

Nous poursuivons plusieurs heures de daroga (route ou дорога) au milieu des collines verdoyantes où paissent des vaches et des chevaux. Parfois un cowboy à cheval surveille le troupeau. Et parfois la forêt ressurgit et recouvre les collines. Nous apercevons de nombreux villages aux maisons hétérogènes, en bois, orientées dans tous les sens et de toutes les tailles ; les toits sont parfois verts, bleus, jaunes, gris ou marrons quand ce ne sont pas les fenêtres, parfois assorties de volets, qui égayent l'ensemble de ces mêmes couleurs vives. Ces villages respirent la vie et une certaine sérénité. Pas de routes tirées à la corde, pas deux maisons semblables. La forme des toits également change. J'aime quand au lieu des 2 pans classiques, l'on en trouve 4 dont les 2 du dessus sont plus courts et moins pentus. Les toits sont en tôle, jamais de tuiles. 

Après une agréable pause déjeuner (délicieux pozés, raviolis à la viande dans leur jus, comme les khinkalis géorgiens) sur la terrasse d'un restaurant traditionnel bouriate, perdu à la sortie d'un village avec une belle vue sur la forêt sibérienne, nous changeons de véhicule.


Cette fois nous avons un chauffeur en treillis avec un gros couteau de chasse à la ceinture. Cheveux courts et grande barbe fournie, le profil du rustre vivant au fin fond de la Sibérie. C'est un garde du parc du lac Baïkal ; son véhicule est un vieillot petit bus vert 4x4, haut sur ses suspensions, suffisant pour nous huit. La guide est assise devant, entre le chauffeur et moi mais sur une espèce de réservoir peu adapté à servir de siège. Cette fois nous fonçons sur la piste en direction de la forêt. Je n'avais pas roulé aussi vite hors goudron depuis nos dernières virées dans le désert saharien avec un chauffeur touareg. Mais le gaillard est fort sympathique et les enfants rigolent bien. Des petits animaux s'enfuient à notre approche, plongent dans leur terrier parfois au bord du chemin. Ce sont des écureuils terrestres, des sousliks.


Cerise sur le gâteau, Sergueï est le premier à nous mener jusqu'au lac. La vue depuis les collines est immédiatement magique. J'ai toujours une certaine appréhension lors de la rencontre avec un lieu déjà vu à l'écran, peur qu'il ait perdu son effet de découverte, son caractère fascinatoire ou peur de ne plus être capable de m'émerveiller.

Première pause pour faire des offrandes. Tradition bouriate chamanique que notre guide marque un point d'honneur à respecter. Il ne s'agit pas d'égorger un poulet mais de simplement déposer une pièce sur un billot de bois devant un totem entouré d'une multitude de rubans colorés ou de verser 3 gouttes de vodka par terre, d'un verre que l'on peut ensuite boire tranquillement. Donc tout le monde est content : nous et les esprits !
Nous laissons le véhicule pour prendre un chemin escarpé qui descend jusqu'à la plus grande réserve d'eau douce du monde et y tremper nos pieds, pas gênés !
Après avoir vu un groupe de chevaux attaché à quelques arbres, nous croisons leurs cavaliers partis eux aussi jusqu'au rivage. Dans la petite crique de galets blancs, nous sommes seuls hormis les esprits. Ce site est sacré pour les chamans car il y a quelques dessins rupestres vieux de plusieurs milliers d'années, juste sur la falaise au bord de l'eau. On peut voir en particulier 2 belles silhouettes humaines qui m'ont rappelé la vallée des Merveilles, en France.
Le soleil brille, un léger petit clapot témoigne de la vie de cet immense monde aquatique qu'on a envie de qualifier de marin (croissant de plus de 600 km de long sur 80 de large et 1637m de profondeur). Nous n'avançons pas bien loin pieds nus car les galets sont glissants, recouverts d'une fine couche d'algues ou de mousse.
L'arrivée à la crique de Kristovaya pour la nuit nous enchante. Première bania (sauna à la chaleur sèche) divertissante et requinquante. Dîner excellent suivi d'un petit tour au bord de l'eau avec un lever de lune au-dessus du lac à défaut du couché de soleil que l'on a dans le dos puisque nous sommes toujours sur la côte ouest du Baïkal.

Pendant ce moment calme, d'autres au campement picolaient autour d'un feu de camp. Tant et si bien, qu'au moment de se coucher, Garance et M. étaient suivies et j'ai dû leur donner un coup de main pour repousser un assaillant fortement éméché qui s'invitait dans notre chalet. Le Bouriate bourré, c'est du lourd !

A suivre.